Les agences ont du mal à recruter, et ce n'est que le début !

Depuis 2021, les offres de jobs dans le marketing, et plus particulièrement dans la publicité digitale, ne cessent de croître. La raison ? Une forte digitalisation de la population et des besoins toujours plus importants en termes de communication. Cependant, alors que la gen Z est considérée comme la génération du digital, les recruteurs peinent à recruter des profils qualifiés. Comment expliquer ce phénomène ? Quelles sont les solutions pour remédier à la pénurie de talents dans les agences digitales ? DeepReach décrypte la situation.

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Les agences ont du mal à recruter, et ce n'est que le début !
Les agences ont du mal à recruter, et ce n'est que le début !

Le besoin de talents digitaux s’est accéléré depuis deux ans

Dans le monde du numérique, les besoins ont explosé. Plusieurs causes sont à l’origine de cette tendance qui risque de s’accentuer.

Un contexte en forte digitalisation

Depuis l’avènement de l’e-commerce, les métiers dans l’univers du digital se transforment à une allure fulgurante. Cela s’explique par le fait que les consommateurs achètent de plus en plus en ligne. Selon Visionary Marketing, le chiffre d’affaires annuel du commerce en ligne pesait plus de 120 milliards d’euros en 2021. Ce montant augmente chaque année de 15 % et ne devrait pas fléchir. Afin de répondre à l’ensemble des besoins des marques, les annonceurs ont donc besoin de recruter plus de talents.

L'impact de la COVID-19

Il faut noter que la crise de la COVID-19 n’a fait qu’amplifier ce phénomène. En effet, durant la pandémie, certaines entreprises ont été sauvées par leur site web. Elles se sont alors rendu compte de l’importance de certaines compétences dans le domaine, notamment dans la publicité en ligne. Depuis, de plus en plus de marques font appel aux agences digitales, comme le reconnaît Nathalie, recruteuse chez Digirocks :

« Depuis la COVID-19, le marché a beaucoup évolué. Les ventes en ligne ont énormément augmenté. Les entreprises qui avaient entamé leur transformation digitale ont dû accélérer à vitesse grand V. L’e-commerce est un enjeu majeur pour la croissance de beaucoup d'entreprises. Maintenant, il faut avoir son site internet, maîtriser toute la chaine du supply jusqu’à l’acquisition du trafic, savoir qui est son consommateur… »

Les métiers en pénurie

Malgré une forte demande, les agences digitales peinent à recruter. De manière générale, la pénurie des métiers digitaux était déjà visible avant la crise, mais la tendance s’est accentuée. Tous les directeurs des ressources humaines d’agences connaissent bien les métiers en tension :

  • développeurs ;
  • data analysts
  • CRM ;
  • media traders;
  • traffic managers ;
  • product owner et métiers autour de l’UX ;  
  • cybersécurité.

En dépit de cette pénurie, les acteurs de la French Tech ont réalisé des levées de fonds record en 2021 : près de 12 milliards d’euros. Cela signifie que de nombreux postes vont voir le jour en 2022 et dans les années à venir : les start-up prévoient de proposer 19 000 emplois. Comment vont-elles s’y prendre dans un contexte déjà en forte tension ? Et surtout, comment expliquer cette pénurie ?

Pourquoi les agences rencontrent-elles des difficultés à recruter ?

Exigences, salaires, qualité de vie au travail… Nombreux sont les facteurs qui accentuent les difficultés dans le recrutement des talents digitaux.

Un secteur exigeant en forte croissance

L’accès au marché publicitaire est désormais plus simple grâce aux outils disponibles pour tous et le nombre d’annonceurs n’a cessé de progresser. Selon une étude de Kantar, on dénombrait 42 735 annonceurs en France en 2021, soit 2 % de plus qu’en 2020 et 9 % de plus qu’en 2019.

Face à la demande croissante des marques et aux avancées technologiques, les annonceurs et les agences sont de plus en plus exigeants. Dénicher des profils avec l’expertise attendue devient un véritable parcours du combattant. Certains métiers requièrent en effet des compétences techniques et spécifiques rares.

Nathalie de Digirocks insiste sur ce point :

« On nous demande des traffic managers ou des media traders qui connaissent les différents leviers d'acquisition : le SEA, les Social Ads, le display et le programmatique et qui sont immédiatement opérationnels. Or, trouver un traffic manager avec 2 ans d'expérience qui maîtrise bien les Social Ads aujourd’hui, ce n'est pas si simple. On a vraiment une pénurie de talents. En parallèle, on voit les agences se spécialiser par leviers d'acquisition, il est donc très difficile de trouver un traffic manager qui connaissent bien l'ensemble de ces leviers. » 

Le manque de confiance vis-à-vis des jeunes diplômés

Bien souvent, les agences privilégient les profils seniors. Toutefois, en phase de pénurie, les recruteurs ne peuvent pas se permettre d’attendre le profil parfait. La meilleure stratégie reste d’embaucher des personnes qui possèdent les soft skills adéquats pour ensuite les former.

Clément Boucher, Key Account Manager à La Relève, nous livre son point de vue sur le sujet :

« Il faut surtout apprendre à faire confiance aux candidats, en particulier les jeunes diplômés. Ils ont peu d’expérience, mais ils sont intéressés et motivés. Si le marché était submergé de candidats, on pourrait se permettre d’être exigeant. Mais ce n’est pas le cas. Il faut leur faire confiance et les former ! C’est important de savoir les accompagner dans leurs premiers pas. »

Un turnover important

Toutes les agences, en particulier dans le digital, assistent à un renouvellement important de leurs effectifs. D’après IAB France, « […] la durée de vie d’un collaborateur dans l’entreprise oscille entre 2 et 4 ans pour 57% des personnes interrogées et de 1 à 2 ans pour 20%. »

- Selon les recruteurs interrogés, il y a plusieurs raisons à cela :

  • les salaires trop bas ;
  • le manque de perspectives d'évolution ;
  • un métier sous pression ;
  • un manque de sens.

- Selon Nathalie de Digirocks, le salaire reste la principale cause de turnover :

« Aujourd’hui, les jeunes restent en poste deux ans, puis ils s’en vont. Ils ont envie d’évoluer. Ils ont besoin de challenges. S’ils pensent qu’ils ont fait le tour du job, ils veulent changer d’entreprise et être mieux payés. Et c’est normal : avec deux ans d’expérience, on va leur proposer 45K ou beaucoup plus. On sait qu’ils sont hyper bien formés dans les agences média. »

De plus, selon les recruteurs interviewés, les perspectives d’évolution sont réelles. Les juniors peuvent rapidement devenir manager, chef de projet data et même passer du côté annonceur, ce qui peut les pousser à changer d’entreprise.

En ce qui concerne les jeunes diplômés, Clément Boucher nous explique que les salaires trop bas freinent les candidats :

« Aujourd’hui, il est difficile, voire impossible de capter un jeune diplômé pour moins de 35-40K. Certaines agences proposent des rémunérations totalement déconnectées des nouvelles envies et des nouvelles ambitions des media traders. »

L’enseignement supérieur en décalage avec la réalité du marché

Les métiers du digital tels que le media trader nécessitent des compétences bien spécifiques. Pourtant, en France, le système éducatif dans l’enseignement supérieur fait face à un véritable retard concernant ces métiers. Par exemple, les universités ne forment pas correctement les experts du marketing digital contrairement aux écoles privées, car elles ne proposent pas d’alternance pour se professionnaliser.

Aussi, en école de commerce, les élèves réalisent leurs évaluations en mode projet dès le bachelor. Une mise en situation qui recrée l’environnement professionnel et qui pousse les élèves à réfléchir autrement. Le système de l’alternance permet également d’acquérir des compétences. Les jeunes diplômés d’écoles privées sont donc plus susceptibles d’être recrutés, car ils ont plus de compétences. Ils peuvent aussi être embauchés à la fin de leur contrat en alternance ou en stage.

Cependant, les écoles de commerce ont tendance à dissocier le marketing classique et le marketing digital alors qu’à l’heure actuelle, le marketing et la communication sont en grande partie basés sur le digital. Il existe cependant des centres de formation qualitatifs pour devenir media trader comme Oreegami (bootcamp) et VISIPLUS Academy.

L’arrivée permanente de nouveaux outils et de nouvelles technologies

Dans le monde du marketing digital, les métiers se transforment sans arrêt. Cela s’explique en grande partie par l’arrivée permanente de nouveaux outils qu’il faut intégrer et maîtriser le plus rapidement possible.

D’après Frédéric Douchement, Media trader et CSM chez DeepReach, le métier de media trader évolue continuellement :

« Il faut s’adapter aux médias : ils peuvent changer et évoluer pour devenir de plus en plus performants. Il y a aussi les changements d’un point de vue juridique avec la CNIL ou le RGPD. Il faut alors effectuer une veille. C’est une mission très importante, car le marché est en perpétuelle évolution. Les médias s’adaptent d’abord aux lois tout en restant dans l’optique de devenir plus performants. » 

 

Avec une évolution permanente et aussi rapide, difficile de recruter des profils qui maîtrisent l’intégralité de ces outils.

Comment faire face à la pénurie de talents dans le marketing digital ?

Plusieurs solutions existent afin de tirer son épingle du jeu dans un contexte particulièrement tendu.

 

Revoir l'organisation des agences digitales

Continuer de vouloir embaucher des profils maîtrisant tous les leviers marketing digitaux dans un contexte de pénurie de talent n’est pourtant pas voué à l’échec si les agences implémentent les outils adéquats.

Par exemple, les media traders passent beaucoup de temps dans l’analyse et le reporting des campagnes. C’est pourquoi il est nécessaire d’avoir un data engineer qui va prendre en charge le sujet de l’analytics, collecter les besoins de chaque media trader et rationaliser la production d’interface de reporting en interne et auprès des clients. Les outils d’analytics comme Google Data Studio, Tableau, Microstrategy ou Supermetrics permettent de « productiser » la fonction analytics, afin de laisser du temps libre aux media traders pour se focaliser sur l’optimisation des campagnes.

D’autres plateformes aident également à gagner en productivité, par exemple pour gérer l’activité des réseaux sociaux (Buffer), le SEO (SEM Rush, Ahref…), la vidéo ou la gestion des assets visuels.

La gestion des campagnes locales, qui nécessitent beaucoup d’efforts opérationnels, peut être également adressée avec des plateformes comme DeepReach pour réduire le temps de set-up et d’optimisation des campagnes basées sur le location targeting.

Il faut donc que les managers d’agence comprennent comment les SaaS permettent à leurs équipes d’être plus productives , ce qui permet d’agir directement sur le recrutement et la fidélisation des équipes, mieux équipées pour faire face à la quantité de travail qui les attend.

Revoir les méthodes d’apprentissage et de formation

Apprendre les métiers de la publicité à l’école, se former en continu en entreprise… Comment s’y prendre pour acquérir les compétences nécessaires ?

L'enseignement

De manière générale, afin de pallier le manque de talents dans l’univers de la publicité digitale, il faudrait modifier certains aspects du système éducatif. La création de nouvelles écoles spécialisées comme 42 (école de développeurs) où la pratique prime sur tout le reste permettrait de former correctement les talents de demain.

- Selon Leila Ouissi, Senior Trader chez Publicis, ce type de formation s'avère concluant :

« Certaines de nos recrues viennent d’Oreegami, un organisme de formation nouvelle génération. Elles font un an d’alternance et si c’est concluant, on les embauche en CDI. Généralement, on est satisfait du programme. Les apprenants sont formés sur toutes les plateformes avec de vrais experts. »

- Armand Faure, PDG de Puls, partage cet avis :

« On voit que les écoles sont en train de changer et c’est une bonne chose. Le succès de l’antichambre de Germinal est un bon exemple de réussite.  Accompagner les apprenants en proposant des formations pubs très terrain et adaptées aux besoins des agences et entreprises doit être le leitmotiv des écoles. Il faut continuer à aller dans ce sens pour pallier cette pénurie de main-d’œuvre qualifiée. »

Les formations en entreprise

En proposant des formations en interne, les agences digitales vont non seulement retenir leurs salariés, mais elles vont également leur permettre de monter en compétences. Grâce à cet accompagnement, ils pourront aussi se spécialiser et répondre davantage aux besoins de l’agence.  

De grandes régies publicitaires comme Google et Meta mettent à disposition de tous des formations en ligne dans le marketing digital. Voici quelques ateliers numériques proposés par Google :

  • Toucher son audience sur mobile ;
  • Optimiser et protéger ses campagnes en ligne ;
  • Google Ads pour la publicité sur le Réseau Display ; 
  • Etc.

Miser sur les soft skills

Outre les compétences techniques, il devient primordial de se focaliser sur les compétences personnelles (ou soft skills), surtout dans un contexte où le choix des candidatures reste limité. Et pour cause, ces qualités témoignent d’un savoir-être indispensable en entreprise. Généralement, les candidats avec les soft skills requis sont aptes à monter en compétences plutôt rapidement. À l’heure actuelle, ces qualités interpersonnelles sont de plus en plus recherchées par les recruteurs.

 

- Leila Ouissi partage son expérience :

« On recrute surtout sur les soft skills et pas vraiment avec les diplômes. Notre processus de recrutement est plutôt basé sur la confiance. L’important, c’est de déjà posséder un savoir-être. C’est un moyen de donner une chance à d’autres personnes qui ne viennent pas forcément du milieu. »

« La plupart du temps, les nouvelles recrues ne connaissent pas grand-chose au métier. On les forme les premiers mois avec un accompagnement pour qu’elles montent rapidement en compétences et qu’elles deviennent autonomes. »

 

- Clément Boucher de La Relève témoigne également de l’importance des soft skills lors du recrutement :

« Les soft skills, c’est hyper important. Une personne qui n’a pas tous les critères au premier abord sur son CV, mais avec qui on va pouvoir bâtir une relation est bien plus intéressante qu’une personne qui a tout ce qu’on lui demande, mais qui se ferme à l’apprentissage. »

Les soft skills les plus recherchés par les recruteurs pour les postes en agence sont la curiosité, l’autonomie, la proactivité, la créativité et l’adaptabilité.

Attirer et retenir les meilleurs profils

Pour retenir les talents, il est plus que jamais nécessaire d'offrir une culture d'entreprise attrayante. Et pour cause, les employés sont de plus en plus pointilleux sur leur environnement de travail et leur style de management. La création de comptes Instagram tels que Balance Your Agency a permis de libérer l'expression autour du management " toxique " dans les agences de communication.

Ainsi, les profils qualifiés se tournent davantage vers une agence flexible au niveau du management (horaires, télétravail…) et qui propose aussi de nombreux avantages, comme un salaire plus élevé et plus de congés. La mobilité interne pour une perspective de carrière est un autre argument pour retenir les talents.

Les candidats sont aussi à la recherche de sens, surtout la gen Z. Pour réconcilier cette génération avec le monde de la communication qui repose sur le consumérisme, il devient primordial d’appliquer une démarche éthique et écoresponsable. Les agences doivent travailler et valoriser la marque employeur. De nombreuses initiatives pour une démarche éco-responsable de la communication ont été initiées, comme The Great Reset. Lancé par Purpose Disruptors, un réseau de publicitaires, ce mouvement témoigne de l’intérêt grandissant pour un système plus durable et responsable dans le secteur.

Encourager la diversité des profils

En France, les agences digitales ont tendance à engager des profils tout droit sortis de grandes écoles. Cependant, il ne faut pas hésiter à aller vers plus de diversité. De nombreux profils qualifiés ne sortent pas forcément d’écoles réputées. Néanmoins, même s’ils proviennent d’universités ou n’ont pas de masters, certains ont été formés sur le tas et possèdent de très bonnes connaissances.

Aussi, les femmes sont nettement moins présentes dans la tech que les hommes : en 2020, leur part dans le numérique était de 17 %. Elles représentent cependant un énorme potentiel. Pour faire face à la pénurie de talents dans les agences digitales et respecter la parité, les agences doivent recruter et former plus de femmes.

Pour résumer, les agences digitales doivent opérer des changements afin de contourner la pénurie de profils. Pour cela, elles peuvent miser sur la formation interne, favoriser la mobilité interne, mais aussi retravailler la marque employeur et proposer une rémunération plus attractive. De manière générale, il devient nécessaire de démocratiser l’accès aux métiers du numérique et de créer plus de formations sur les métiers en tension.

 

Si les agences digitales ne transforment pas en profondeur leur façon de recruter, de former et de gérer leurs équipes, elles vont rester confrontées aux mêmes difficultés et passer à côté d’excellents profils. Cela va immanquablement se traduire par une perte d’efficacité et de rentabilité. Il faut agir dès maintenant !